Vous avez peut-être déjà entendu cette prétendue malédiction chinoise : « Puissiez-vous vivre des temps intéressants ». Rien ne prouve qu’elle soit réellement d’origine chinoise, mais elle est à la fois mémorable et ironique. Et aujourd’hui, force est de constater que nous vivons bel et bien des temps intéressants. Comme l’a écrit le patriote américain Thomas Paine, ce sont peut-être même « des temps qui éprouvent l’âme des hommes ».
Les périodes difficiles exigent un leadership fort. Les leaders ne se révèlent pas quand tout va bien, mais bien quand rien ne va. Warren Bennis, l’un des pères fondateurs de l’étude moderne du leadership, appelait cela des « moments creusets » : des épreuves qui forgent les vrais leaders.
En période de turbulence, diriger demande plus que de simplement exécuter
Je dis souvent à mes clients que s’il n’y a pas de changement, nous n’avons pas besoin de leaders, juste d’administrateurs. Le changement est déjà difficile quand on le choisit. Il l’est encore plus quand il nous est imposé. Si vous êtes adepte de l’ancien acronyme militaire VUCA – Volatil, Incertain, Complexe, Ambigu – bienvenue au deuxième trimestre 2025.
Actuellement, de nombreuses organisations évoluent dans des conditions qu’elles n’avaient pas anticipées et qu’elles n’auraient probablement même pas pu imaginer. Nous faisons face à des défis que nous ne maîtrisons pas : vents économiques contraires, instabilité politique, incertitude opérationnelle, imprévisibilité extrême. En de telles circonstances, diriger demande plus qu’un plan d’action. Cela demande de la présence.
Il y a quelques semaines, je discutais avec une cliente, numéro deux dans une entreprise de taille moyenne travaillant pour le gouvernement. Sans surprise, elle était confrontée à une pression intense : priorités floues, tension financière, équipes débordées. Elle m’a dit : « J’ai besoin de prendre du recul et de comprendre ce dont l’organisation a besoin de moi en ce moment ». Cette phrase – posée, claire – a marqué un tournant.
Prioriser, aligner, guider : le leadership en temps de crise
Dans les moments difficiles, le travail le plus important est souvent intérieur. La résilience ne consiste pas à pousser plus fort, mais à rester ancré pour ne pas perdre son centre. Il est facile de réagir au quart de tour, de courir après chaque urgence. Mais les grands leaders gardent le cap. Comme le rappelait Marc Aurèle il y a près de deux millénaires : « Tu as du pouvoir sur ton esprit, pas sur les événements extérieurs. Réalise cela, et tu trouveras la force ».
Cette force permet de faire preuve de discernement. En temps de crise, la tentation est grande de se précipiter dans l’action : éteindre les incendies, résoudre les problèmes, rester occupé(e). Mais le leadership ne se résume pas à faire. Il s’agit de prioriser, aligner, guider. J’aime utiliser le cadre : Faire – Gérer – Diriger. Le faire a ses limites. On ne peut pas se démultiplier en tant que simple exécutant. On ne peut se développer qu’en dirigeant et en manageant : en fixant une direction, en développant les autres, en allouant les ressources et en coachant son équipe.
Où investissez-vous votre temps et votre énergie ?
En période difficile, posez-vous ces questions :
- Où devrais-je consacrer mon temps ?
- Quelles sont les quelques choses que moi seul(e) peux faire ?
- Comment puis-je aider les autres à rester calmes et concentrés ?
Une dirigeante avec qui je travaille réserve 30 minutes chaque matin pour réfléchir, sans écran, sans interruption. « Si je ne fais pas ça », dit-elle, « je ne suis qu’un pompier de plus avec une lance plus grosse ».
En cas de doute, demandez-vous : « De quoi mon organisation a-t-elle besoin de moi, ici et maintenant ? »
L’un des meilleurs PDG de société cotée avec qui j’ai travaillé a instauré des points d’équipe quotidiens de 30 minutes au début du COVID. Les priorités évoluaient vite, et il savait que l’alignement était essentiel. Chaque réunion était courte, ciblée, et structurée autour de la matrice d’Eisenhower (Urgent vs. Important). Ce rythme régulier a instauré du calme et de la clarté.
Mais les tactiques ne suffisent pas. Le leadership en période difficile est aussi émotionnel et demande de la résilience. Votre équipe observe la manière dont vous vous présentez. Si vous incarnez l’équilibre, l’optimisme et la clarté, elle puisera dans cet exemple. Restez positif, mais authentique. Célébrez les petites victoires. Soulignez les progrès. Rappelez pourquoi leur travail a du sens. Ce genre d’affirmation devient un carburant : il permet à vos collaborateurs non seulement de tenir, mais de marquer des points.
Comment rester véritablement connecté ?
Il y a quelques années, j’ai accompagné une directrice d’association à but non lucratif, dont l’organisation subissait de lourdes coupes budgétaires. Elle a commencé chaque réunion d’équipe par le partage d’une histoire d’impact : un exemple de ce que leur travail avait rendu possible. Ce n’étaient pas des présentations élaborées, parfois juste un court paragraphe. Mais cela reconnectait l’équipe à sa mission, changeait l’ambiance émotionnelle et ravivait l’optimisme.
Les périodes difficiles sont aussi les bons moments pour rester proche des clients et des parties prenantes, même si cela est inconfortable. Une de mes clientes, une entreprise très engagée dans les contrats publics, subit des annulations soudaines, des coupes budgétaires, souvent sans préavis ni logique. Et pourtant, elle s’est engagée à rester en contact avec ses clients, même quand les projets s’arrêtent ou que les paiements ne suivent plus. Cette fidélité-là, on ne l’oublie pas. Lorsque les clients seront prêts à relancer leurs projets, ils reviendront vers ceux qui ont tenu bon dans la tempête.
Avancez ensemble, et chaque jour
J’ai coécrit il y a quelques années un livre avec ce sous-titre : « Réinventez-vous en tant que leader avant que votre entreprise ne vous dépasse ». Aujourd’hui, on a parfois l’impression que c’est le monde entier qui menace de nous dépasser. Restez concentré(e). Restez calme. Appuyez-vous sur ce que vous pouvez contrôler et demandez-vous sans cesse : « Et maintenant, que fait-on ? » La meilleure réponse aujourd’hui ne sera peut-être pas celle d’hier.
Rappelez-vous : vous n’avez pas à tout résoudre seul(e). Impliquez votre équipe dans la réflexion. Posez des questions. Écoutez vraiment. Cette implication génère de l’engagement et fait parfois émerger des idées que vous n’auriez pas eues seul.
Il n’existe pas de mode d’emploi pour diriger dans l’incertitude. Mais il existe des principes :
- Restez centré(e).
- Dirigez, ne faites pas que faire.
- Alignez-vous régulièrement et communiquez avec clarté.
- Restez proche de toutes vos parties prenantes.
- Et en cas de doute, posez-vous cette question : « De quoi mon organisation a-t-elle besoin de moi en ce moment ? »
Cette question ne vous donnera pas toujours une réponse immédiate. Mais elle vous orientera inévitablement dans la bonne direction.
Mark Nevins
Je remercie Mark Nevins pour ses conseils avisés. Retrouvez :
- Tous ses articles sur Forbes, dans leurs versions originales
- Son profil LinkedIn
- Son site web
- Certains de ses autres travaux
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